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Urgences pénales

ActuRennes – Il meurt noyé dans un hôtel au Maroc : un an après, une information judiciaire ouverte

Par Timothée L’Angevin, publié le 07/03/2021

Depuis le 13 mars 2020 et la mort d’un cuisinier rennais, Mélissa se bat pour faire avancer l’enquête afin d’enterrer dignement son mari.

Mélissa vit un « enfer » depuis un an. Et elle pèse chacun de ses mots : « J’ai arrêté de travailler, je n’ai plus d’argent et mes enfants décrochent de l’école. Je veux juste tourner la page pour pouvoir faire le deuil. »

Le deuil de son mari Ludovic. Le 13 mars 2020, cet homme de 34 ans est mort noyé dans le jacuzzi du Grand Hôtel de Marrakech, au Maroc. Un an après, aucune expertise médicale n’a été réalisée et sa femme ne sait toujours pas ce qu’il s’est passé.

En attendant, le corps repose dans un caveau, toujours en attente d’une vraie cérémonie funéraire.

Quelques jours en amoureux

Tout remonte aux jours qui ont précédé le premier confinement. Mélissa et Ludovic Lefèvre, qui habitent La Mézière, au nord de Rennes, décident de passer quelques jours en amoureux au Maroc, dans un hôtel 5 étoiles. Tous deux sont restaurateurs : elle directrice d’un établissement à Rennes, lui chef de cuisine à Saint-Grégoire.

« On est arrivés le 9 mars et on devait repartir le vendredi 13, raconte Mélissa à actu Rennes. Vers 17h30, une demi-heure avant de prendre le taxi, mon mari a voulu essayer le jacuzzi de l’hôtel. Au bout d’un quart d’heure, ne le voyant pas revenir, je suis allée le voir. »

Collé au fond du jacuzzi à cause de l’aspiration

Mélissa découvre Ludovic au fond de l’eau, le dos collé au sol. Elle se précipite et tente de le sortir. « J’ai hurlé et une dizaine de personnes ont accouru. Personne n’arrivait à le décoller à cause de l’aspiration du jacuzzi. »

Quelqu’un de l’hôtel éteint le système et des clients se mettent à prodiguer les premiers secours à Ludovic. Des tentatives de réanimation qui durent une quarantaine de minutes. Une ambulance finit par arriver et le prend en charge.

« On m’avait mise à l’écart et je ne savais même pas s’il était en vie », souffle Mélissa. Elle est finalement conduite à l’hôpital. « Là, un médecin m’a dit : ‘c’est terminé’. Je me suis écroulée. »

Entendue pendant plusieurs heures par la police, la Rennaise a pu voir Ludovic le lendemain : 

Son visage était violet et le corps était tout gonflé, cette vision m’a terrorisée…Mélissa Lefèvre

Plus d’avion pour la France 

Par téléphone, elle annonce la nouvelle à ses deux enfants, âgés de 10 et 13 ans, ainsi qu’au reste de la famille. Mélissa n’attend plus qu’une chose, retourner auprès d’eux.

Mais la situation mondiale complique son retour, à quelques jours du confinement généralisé. Le Maroc stoppe ses liaisons aériennes et Mélissa se retrouve bloquée près de 48h à l’aéroport de Marrakech. Elle parvient à trouver la dernière place d’un avion pour Paris le dimanche 15 dans la soirée.

Le corps de son mari suivra quelques jours plus tard. « On a pu faire une cérémonie en petit comité le 19 mars et Ludovic repose provisoirement dans un caveau du cimetière de l’Est dans l’attente d’une autopsie. » 

Un délai « anormalement long »

Mais les choses n’avancent guère : Mélissa n’a aucune nouvelle de l’enquête et ne sait pas quand l’expertise médico-légale du corps de Ludovic sera réalisée. 

Lassée, elle finit par faire appel à un avocat, Me Maxime Tessier, du barreau de Rennes : 

Il faut savoir que le confinement avait complètement grippé la machine judiciaire en France. Et vu que la mort s’est produite hors de l’Union européenne, cela complique la coopération entre les services de justice [Me Maxime Tessier, Avocat de Mélissa]

L’avocat reconnaît toutefois que ce délai est « anormalement long ».

Ouverture d’une information judiciaire

Le dossier a d’abord été traité par un service de gendarmerie, qui ne s’estimait finalement pas compétent, et l’a transféré à un autre. « J’ai été reçu la semaine dernière (fin février 2021, ndlr) par le parquet de Rennes qui m’a annoncé qu’une information judiciaire allait s’ouvrir et être confiée à un juge d’instruction. » 

Vendredi 12 mars 2021, le procureur de la République, Philippe Astruc, annonce à actu Rennes qu’une « information en recherche des cause de la mort vient d’être ouverte auprès d’un juge d’instruction de Rennes ».

« Je dois faire croire à mes enfants que tout va bien »

Ce qui signifie que les témoins du drame à l’hôtel, majoritairement Français, pourront être entendus par la justice et qu’une autopsie devrait enfin être réalisée. Le corps de Ludovic devra donc être exhumé du caveau, comme la loi l’autorise. 

« Pour le moment, nous cherchons à déterminer les causes de la mort de M. Lefèvre : si le décès est accidentel ou s’il est lié au dysfonctionnement du jacuzzi, pointe Maxime Tessier. Dans le deuxième cas, nous pourrons envisager des poursuites contre l’hôtel. Mais ce dossier s’annonce très long. »

Ce qui ne va pas arranger la situation familiale :

Je porte ce drame toute seule et je dois faire croire à mes enfants que tout va bien. Mon aînée a complètement décroché du collège et est suivie par une psychologue, et mon plus jeune fugue de l’école.Mélissa Lefèvre

Les assurances toujours bloquées

Viennent aussi les problèmes financiers. Les causes du décès n’ayant pas été définies, les assurances n’ont rien versé pour le moment. « Et comme j’ai quitté mon travail, je n’ai aucun revenu. Heureusement ma famille m’aide et mes propriétaires sont conciliants. » 

Pour l’heure, Mélissa veut juste enterrer dignement Ludovic une fois la procédure judiciaire terminée : « Même si j’appréhende le jour où l’on va devoir vivre une nouvelle cérémonie funéraire, je veux passer à autre chose. »