Les juges français diront, le 14 novembre 2019, si Vincenzo Vecchi doit être remis à l’État italien. L’homme de 46 ans a été arrêté près de Rochefort-en-Terre, en Bretagne, en août dernier. Il y vivait depuis 8 ans.
Par Angélique CLÉRET, publié le 24/10/2019
Qui est Vincenzo Vecchi, l’activiste italien arrêté après 18 ans de cavale ?
Vincent Papale, 46 ans, allait travailler lorsqu’il a été arrêté par la brigade nationale de recherche des fugitifs, jeudi 8 août, à Saint-Gravé, commune de 700 âmes près de Rochefort-en-Terre, dans le Morbihan. Il est alors redevenu Vincenzo Vecchi, ex-activiste italien, recherché par les autorités de son pays.
Pourquoi les autorités italiennes le réclament ?
Elles demandent que Vincenzo Vecchi leur soit remis, en vertu de deux mandats d’arrêts européens délivrés en novembre 2007 et octobre 2009, par les procureurs de Milan et de Gênes. L’ex-activiste a été condamné à deux reprises en Italie, en 2007 et en 2009, à respectivement quatre ans et douze ans et demi de prison. La première fois, pour des violences commises lors d’une contre-manifestation à Milan, en 2006, face au rassemblement du parti d’extrême droite Movimento Sociale Fiamma Tricolore. La seconde fois, à la suite de sa participation aux manifestations anti-G8 de Gênes en juillet 2001.
Que dit le ministère public ?
Le 23 août, la cour d’appel de Rennes avait ordonné un supplément d’information aux autorités judiciaires italiennes, avant le 10 octobre, afin notamment de préciser différents points concernant les condamnations rendues en Italie : les peines maximales encourues, le délai de prescription, le régime d’exécution de la peine, etc.
Ce jeudi 24 octobre, l’avocat général Alain Le Coz a indiqué qu’à la suite d’une décision de la Cour de cassation italienne, prononcée en 2012, il reste à l’ex-altermondialiste Vincenzo Vecchi « 11 ans et six mois de prison » à exécuter. Ce, pour les délits de « dévastation et pillage, attaque à main armée, résistance et violence vis-à-vis des membres des forces de l’ordre » lors des manifestations de 2001, au cours desquelles un jeune militant a été tué par un policier. L’autre peine est quant à elle « considérée comme purgée ».
L’avocat général requiert d’ordonner la « remise de Vincenzo Vecchi aux autorités judiciaires italiennes », au motif que « les mandats d’arrêt européens sont conformes » et « les infractions sont constituées ». Les autorités judiciaires italiennes auraient assuré que l’ancien militant sera un détenu « droit commun », donc pas soumis au même régime que celui appliqué aux condamnés pour terrorisme, par exemple.
Qu’oppose la défense ?
Les trois avocats de Vincenzo Vecchi, appartenant au barreau de Rennes, ont plaidé longuement, ce jeudi 24 octobre. Me Marie-Line Asselin, Me Catherine Glon et Me Maxime Tessier ont soulevé plusieurs nullités : la décision de la justice italienne n’aurait pas été notifiée à l’intéressé, les infractions de « pillage et dévastation » n’ont pas d’équivalence en droit français, la peine prononcée en Italie est criminelle alors qu’il s’agit de délits et même de contraventions : outre des dégradations et un port d’armes prohibé, l’ancien militant anticapitaliste est accusé d’avoir « poursuivi un photographe qui prenait des photos des dégradations, et de l’avoir frappé avec un bâton et volé son appareil » et d’avoir dissimulé son visage. La défense demande à la cour d’appel de Rennes de refuser la remise de leur client à l’Italie et que le reliquat de sa peine soit exécuté en France.
La chambre de l’instruction rendra sa décision le 14 novembre 2019.
Qui sont les soutiens de Vincenzo Vecchi ?
Au lendemain de son arrestation dans le Morbihan, un comité s’est constitué. Parmi ces soutiens, Éric Vuillard, prix Goncourt 2017, qui dans une tribune formule la question : « Pourquoi dix-huit ans plus tard réclamer un homme qui a purgé sa première peine, et dont la deuxième condamnation est pour le moins douteuse ? Une seule raison à ça. Vincenzo Vecchi est ici un exemple, un symbole ; l’État italien instrumentalise cette affaire. »
Jeudi 24 octobre, Vincenzo Vecchi, entouré de gendarmes derrière le box vitré, adressait de rapides coups d’œil à la vingtaine de soutiens autorisés à assister à l’audience. Selon lui, « il ne s’agit pas d’une simple procédure judiciaire, mais d’une politique de traque et de manipulation ».