Libération. Par Maxime Pionneau, à Angers — Article du 2 octobre 2020
La cour d’appel d’Angers examinait vendredi le cas de l’Italien, réclamé par la justice de son pays pour des faits de violences commis à Gênes en 2001.
Devant le palais de justice d’Angers, des membres du comité de soutien à Vincenzo Vecchi portent des masques barrés du mot «liberté». Le rassemblement a un air de déjà-vu : après trois mois de procédure, la cour d’appel de Rennes avait déjà invalidé, en novembre 2019, les deux mandats d’arrêt européens (MAE) visant cet Italien de 47 ans, réclamé par la justice de son pays pour des faits de violences lors de manifestations du G8 de Gênes en 2001, et à Milan en 2006. Un mois plus tard, la Cour de cassation avait annulé cette décision et renvoyé l’affaire à Angers, où elle était jugée ce vendredi. Cette fois-ci, Vincenzo Vecchi – jean, manteau beige, crâne dégarni – s’est présenté en homme libre. Tout l’enjeu pour lui est de le rester.
«La vie d’un homme en jeu»
Le 8 août 2019, douze hommes de la brigade nationale de recherche des fugitifs avaient débarqué à Rochefort-en-Terre, un paisible village morbihannais de 600 habitants. Occupé à poncer un mur chez une certaine Mireille, celui qu’on appelle «Vincent» avait été embarqué et incarcéré pendant trois mois, soupçonné d’être un dangereux activiste d’ultra-gauche. Depuis, les rebondissements judiciaires se sont succédé et le cas de Vecchi, dont l’arrestation a eu lieu quelques semaines avant le G8 de Biarritz, est devenu malgré lui un symbole bien au-delà de son village breton. L’Italie a été condamnée à trois reprises par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour sa gestion policière des événements de Gênes en 2001. Si la cour d’appel d’Angers devait statuer sur la validité du MAE, le prévenu pourrait être remis à l’Italie pour y purger une peine de douze ans de prison.about:blank
Lors d’une audience de trois heures, à laquelle une quarantaine de soutiens ont assisté, les débats ont pris une tournure très technique. A nouveau, les avocats de la défense, Me Catherine Glon et Me Maxime Tessier, se sont évertués à démontrer la caducité du MAE. «C’est la vie d’un homme qui est en jeu», ont-ils souligné, en rappelant que Vincenzo Vecchi avait été condamné en vertu du code Rocco, une loi votée sous Mussolini permettant d’incriminer un suspect sur la seule base de sa présence sur le lieu de commission d’une infraction. «Une loi d’exception», donc.
Vol de planches de bois
Pour la défense, la notion de «complicité morale» sur laquelle s’appuie la justice italienne n’existait pas au moment des faits dans la législation française, et ne permet donc pas d’appliquer le MAE. «Cette notion est pour nous incompatible avec le droit français», insiste la pénaliste rennaise avant de soulever la «question de la présomption d’innocence». De nouveaux éléments ont en effet été versés aux débats : 211 photographies prises lors des manifestations du G8 de Gênes qui ont servi de base à la condamnation de l’Italien. Or, selon ses avocats, ce dernier n’est reconnaissable que sur une cinquantaine de clichés. Le seul délit discernable serait un vol de planches de bois sur un chantier. «Le sort de Vincenzo Vecchi est entre vos mains. Nous vous demandons de mettre fin à cette injustice comme la cour d’appel de Rennes l’avait courageusement fait», a lancé Me Tessier à la cour. Des arguments qui n’ont pas convaincu l’avocat général, qui a estimé de son côté que les conditions d’extradition étaient bien remplies. «M. Vecchi conteste l’Etat de droit et considère que la seule loi est la sienne», a-t-il tonné avant de conclure qu’«il n’y a pas lieu de refuser la remise à l’Italie».
Après trois heures d’audiences, le prévenu a retrouvé ses soutiens sous une salve d’applaudissements. A sa sortie, un beau soleil est venu planter ses rayons dans un ciel de pluie. Vincenzo Vecchi saura le 4 novembre, date de décision de la cour d’appel d’Angers, s’il s’agissait là d’un bon présage.